Kaamelott (M6, 2005 – 2010) : Exemple de dispositif transmédia utilisant la BD

Note: L’essai suivant a été réalisé dans le cadre du MOOC « Comprendre le Transmédia Storytelling ». Il s’agissait de décrire un dispositif transmédia utilisant la bande dessinée.

Créée par Alexandre Astier, la série télévisée Kaamelott (M6, 2005-2010) narre les aventures d’Arthur et des Chevaliers de la Table ronde dans leur quête du Graal. L’absurdité des situations présentées et le comique de répliques des personnages ont valu à Kaamelott une popularité dont la portée dépasse le simple cadre de la série. En effet, ce programme atypique est le point d’orgue de toute une stratégie transmédia qui comprend les six saisons de la série mais aussi les livres parus aux Éditions Télémaque, le site web dont les musiques d’ambiance sont composées par Astier lui-même ou encore la collection de bandes dessinées publiées chez Casterman.

kaamelottLa reprise d’un même logo caractéristique sur les différents médias témoigne d’un ancrage dans un même univers partagé. Pourtant, chaque pièce du dispositif joue un rôle qui lui est propre.

kaamelott-siteLe site internet est un point d’entrée. Il contient un résumé des différentes saisons, une galerie de photos et de courts extraits des épisodes. Il est aussi une passerelle vers les principales communautés de fans et renvoie aux autres déclinaisons commerciales de la série par le biais d’une boutique. D’une certaine manière, cette plate-forme fait le lien entre les fans de la première heure et ceux qui découvrent Kaamelott, entre ceux qui ne jurent que par la série et ceux qui souhaitent enrichir leur expérience de son univers.

TexteIntegralPocheKaamelottLivreIT1Les livres, quant à eux, consistent en une compilation des scripts des épisodes agencés en saisons qui, paradoxalement, sont appelés « livres » dans la série. A chaque saison correspond donc son livre. Ces ouvrages sont à considérer comme des adaptations de Kaamelott sur un support papier. Leur but est de permettre aux fans de profiter plus particulièrement du ton caustique si caractéristique des dialogues de la série et de relire à loisir des répliques qui sont devenues cultes pour une partie d’entre eux.

kaamelott-siegesLes bandes dessinées ont une logique qui est toute autre. Parues dès 2006, elles reprennent les mêmes personnages mais présentent des aventures inédites. Elles constituent donc une extension de l’univers partagé, comme en témoigne le message présent sur la page de dédicace de chaque tome qui précise que « cette aventure contemporaine du Livre I de la série télévisée, s’inscrit dans la grande épopée de Kaamelott ». Les Sièges de Transport , est un assez bon exemple du processus créatif à l’œuvre. L’histoire se construit autour de la quête d’objets magiques qui donnent leur nom au recueil. Ces ustensiles sont mentionnés pour la première fois au cours de l’épisode « Le chaudron rutilant » (1.64.) et la BD raconte en détail ce qui n’est qu’évoqué dans la série. De ce fait, la lecture du tome, sans être indispensable, enrichit l’expérience narrative.

astierLe choix des auteurs de la BD est révélateur de la volonté d’intégrer celle-ci dans un même univers partagé avec la série. En prenant lui-même en charge la responsabilité scénaristique, Alexandre Astier instaure de fait la légitimité de ce projet dérivé de la série mère. En somme, le seul nom de l’auteur constitue une garantie de retrouver le même ton et l’on retrouve, en effet, toutes ces piques assassines qui font le sel des échanges entres les divers protagonistes.

kaamelott-styleDans sa volonté de cohérence et de continuité, Astier peut s’appuyer sur le trait mi-caricatural mi-réaliste de Steven Dupré. Le dessinateur offre aux fans de la série des décors et des visages proches de ceux du programme. Nous reconnaissons par exemple les traits familiers de l’acteur Franck Pitiot dans la représentation de Perceval. Réciproquement, quelqu’un qui découvre l’univers de Kaamelott par le biais de BD trouvera rapidement ses marques s’il assiste ensuite à une aventure sur petit écran. Le travail de Dupré permet également d’enrichir la légende d’Arthur et de ses compagnons en narrant à moindre coût des quêtes qui nécessiteraient des budgets pharaoniques si elles devaient être développées pour la télévision. Ainsi, nul besoin d’avoir recours à des milliers de figurants, d’employer des maquilleurs ou de dépenser des sommes folles en effets spéciaux pour mettre en scène le combat en luge face à la horde de morts vivants de L’armée du Nécromant.

Un projet comme l’extension BD de Kaamelott paraît difficilement transposable en comic book sans un énorme travail d’adaptation. Tout d’abord, à quelques rares exceptions comme les récents comics Game of Thrones, le genre fantasy joue aux États-Unis un rôle mineur. De plus, le format même d’un album de Kaamelott (24×32 cm, couverture cartonnée) demanderait un ajustement ou l’édition d’un album spécial peu compatible avec la réputation quasi inexistante de la série de l’autre côté de l’Atlantique. Les 48 pages de BD d’un album fournies annuellement n’en feraient pas une série rentable pour le marché américain plus habitué aux séries mensuelles de 20 pages.

En guise de conclusion, il faut souligner que l’approche transmédia de Kaamelott est exemplaire en ce qu’elle prend en compte les spécificités et les attentes des différentes composantes de son public. Les spectateurs occasionnels se documenteront via le site internet. Ceux à la recherche de l’humour unique de cet univers choisiront de poursuivre leur expérience de la série par les livres quand les amateurs d’aventures combleront les aventures par la BD. Cette approche fait toute la richesse de l’univers et permet de dépasser largement la somme des éléments présentés dans la série, les livres ou les bandes dessinées.

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